Le 10 août 1792, à l’appel de la Commune insurrectionnelle et des sections, le peuple de Paris se soulève et prend le palais des Tuileries, où la famille royale vit sous surveillance depuis l’épisode de la fuite de Varennes.
Après le départ du roi et de sa suite à l’Assemblée nationale, les insurgés envahissent la cour du château, dont les Gardes suisses organisent la défense. 300 de ces derniers périront, tués durant le combat ou après, dans les escaliers, les cours, les jardins. Le nombre de victimes parmi les assaillants serait du même ordre de grandeur.
En traversant les Tuileries dans les pas du major Karl Josef von Bachmann, cheminant tristement entre les arbres au feuillage dégarni par un automne précoce, le souverain aurait dit: «Comme les feuilles tombent vite, cette année.» Faut-il entendre dans cette phrase une simple observation climatique ou une prémonition des massacres de Septembre, de la première Terreur et, finalement, de sa propre exécution cinq mois plus tard?
Dans les jours qui suivent, quatre statues érigées au XVIIe siècle sont abattues par les révolutionnaires: la statue équestre d’Henri IV installée en 1614 sur le pont Neuf (elle y sera remplacée par une copie en 1818); la statue équestre de Louis XIII installée en 1632 au centre de la place Royale, actuelle place des Vosges; la statue équestre de Louis XIV, installée en 1699 au centre de la place Louis-le-Grand (place Vendôme); la statue en pied de Louis XIV, installée en 1686 au centre de la place des Victoires.
Louis XVI, suspendu mais pas encore déposé, passe ses trois premières nuits hors des Tuileries au couvent des Feuillants, à deux pas de la place Royale et de la place Louis-le-Grand. Je l’imagine à la fenêtre de sa chambre, où lui parvient la clameur victorieuse de la foule au moment où les statues des Bourbons se brisent sur le pavé. On charge leur bronze d’icônes déchues sur des charrettes pour les envoyer à la fonte.