La crainte de la contamination provoque un phénomène d’ostracisation des personnels de santé et de leurs enfants, tandis que les hôpitaux craignent de perdre le reste de leur clientèle en acceptant les patients infectés par le virus.
Manque de moyens, risque de contracter la maladie, voire un certain ostracisme, le système médical japonais vit difficilement la pandémie de Covid-19. Ici, pas de rassemblement à 20 heures pour applaudir le travail des personnels de santé, pas de ministres visitant les hôpitaux ou exprimant leur soutien. Au contraire, « c’est comme si les gens assimilaient les infirmières au coronavirus », raconte à la chaîne TBS une aide-soignante venue se détendre dans un parc et fermement invitée par des mères de famille à s’éloigner. « Nous apprécierions si vous vous teniez à l’écart », lui avaient-elles lancé.
« Attitude honteuse », a réagi la gouverneure de Tokyo, Yuriko Koike, tandis que la Croix-Rouge japonaise expliquait cet ostracisme par « la peur et l’angoisse », suscitées par ce virus « invisible, pour lequel n’existe ni vaccin ni traitement ». Il déclencherait des « instincts de survie » poussant à « stigmatiser les personnes qui en seraient potentiellement porteuses ». Fin avril, le magazine President s’interrogeait : « Que faire pour protéger les enfants de soignants du harcèlement lié au coronavirus ? »
Des réactions qui ne sont pas propres aux Japonais mais dont ils ne sont pas exempts : les atomisés d’Hiroshima et de Nagasaki furent longtemps ostracisés. En raison du black-out des occupants américains sur les effets de l’irradiation, beaucoup pensaient que leurs symptômes étaient dus à un mal contagieux. Le tsunami du 11 mars 2011 avait aussi ravivé chez certains la stigmatisation, d’une autre nature et s’inscrivant dans l’histoire, de la communauté coréenne, accusée de profiter de la catastrophe pour voler ou piller – des faits jamais avérés – et déjà ciblée lors du tremblement de terre de Tokyo de 1923.